Xavier Verne
Vous avez contribué au rapport Shift « pour une sobriété du numérique » : quelles sont les 3 actions clés à mettre en œuvre rapidement ?
- Faire un bilan carbone, incluant les émissions indirectes « le scope 3 » et le partager le plus largement possible, en transparence, en interne et en externe. Cela permet d’identifier rapidement les plus gros leviers pour démarrer un travail sans attendre d’avoir une précision de mesure de toute façon inatteignable dans l’état actuel des référentiels.
- Se poser la question du besoin réel et n’investir que sur ce qui a de la valeur. Par exemple, conserver dans un projet digital « toutes les données » au cas où, c’est en fait garantir le gaspillage de ressources dans les datacenters (stockage, CPU, électricité)
- Pousser l’allongement et la réduction du nombre de terminaux pour ses utilisateurs pour faire baisser drastiquement les impacts CO2 et ressources associés : des solutions se structurent, qu’elles soient fondées sur le BYOD pour n’avoir plus qu’un téléphone dans sa poche, ou par des exigences de durabilité plus forte. C’est aux utilisateurs et à l’état d’obliger qu’un ordinateur puisse durer aussi longtemps qu’une machine à laver.
Qu’est-ce qu’une entreprise responsable selon vous ?
C’est une entreprise qui accepte que la planète soit finie, et que les ressources le sont également. Et qu’elle doit contribuer aux accords de Paris pour faire les 2°C. Tous les jours l’actualité nous rappelle l’urgence.
C’est une entreprise qui produit des rapports RSE de plus en plus transparents, avec aussi des objectifs non atteints, des partages sur les difficultés rencontrées, bref dans un langage de vérité, en évitant d’exagérer les bénéfices environnementaux de sujets qui sont à la périphérie du problème et non au cœur. Ce n’est pas la culture RSE historique.
Comment le numérique doit il s’inscrire dans l’économie circulaire ?
Nos PC et smartphones pourraient durer 10 à 20 ans s’ils étaient conçus pour dès le départ. La clé, c’est l’écoconception, et des garanties légales de mises à jour et de fournitures des pièces pour réparation pendant 7 à 10 ans minimum.
Tout un réseau de petits ateliers de réparation peut voir le jour, pour en finir avec l’obsolescence technique et psychologique.
Des modèles « devices as a service » sont envisageables à condition qu’ils soient économiquement raisonnables.
Quels sont les critères clés que vos fournisseurs ou partenaires doivent mettre en œuvre pour progresser dans ce domaine ?
A la SNCF, nous en voyons trois :
- Adopter une posture volontariste sur le sujet du climat en faisant un bilan sérieux de son impact : Econocom et d’autres acteurs montrent que c’est possible ! C’est un vecteur d’une relation plus saine et potentiellement plus durable quand il faut mettre en œuvre des actions de sobriété en temps long.
- Changer de paradigme : les business models fondés sur les volumes sont au cœur du problème : volume de terminaux vendus, volumes de données, bande passante, nombre de licences. A eux de proposer des offres qui ne poussent pas à la consommation. Vendre moins mais mieux plutôt que toujours plus !
- Permettre à leurs clients de mettre en place des stratégies de sobriété en fournissant les preuves et les métriques qui permettent de voir immédiatement ou sont les efforts à faire. Avec un business model au volume, c’est impossible ! C’est un changement complet de posture et certains fournisseurs l’ont bien compris en prenant les devants. Ils auront une longueur d’avance.