Résumé
Entretien avec Badis Belgacem et François Bazi
Badis Belgacem et François Bazi
L’année 2023 a marqué un point d’étape important pour le groupe Econocom qui a décidé de publier son premier rapport de durabilité selon le référentiel de la CSRD. La direction RSE Groupe et la direction financière ont ainsi coordonné le reporting des données extra-financières en France et à l’international.
Les exigences accrues de cette nouvelle règlementation ont amené le groupe Econocom à véritablement réorganiser ses sujets matériels pour les aligner sur la double matérialité !
De nombreuses questions demeurent autour de la CSRD, c’est pourquoi nous avons souhaité partager notre compréhension et expérience sur le sujet.
Qu'est ce que la CSRD et quels sont ses objectifs ?
La Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD) représente l’évolution réglementaire de l’ancienne Non Financial Reportive Directive (NFRD), relatives aux rapports des entreprises en matière de durabilité.
Cette nouvelle directive vient élargir l’assiette d’entreprises préalablement concernées par les rapports extra-financiers. On parle d’environ 40 000 entreprises éligibles dans la zone euro dès la première année de publication, à savoir début 2025 sur l’exercice fiscale 2024. Le niveau d’assurance de ces rapports évolue également car ils seront désormais auditables par des commissaires aux comptes. L’Europe, vise de progressivement tendre vers des niveaux d’assurance raisonnable, alignés sur ceux des états financiers.
La double matérialité : pierre angulaire de la CSRD
Il est nécessaire de réaliser une analyse de double matérialité pour chaque entreprise. Cette dernière est même déterminante pour connaitre le nombre de normes matérielles et de mesurer la "performance durable" de l’entreprise, au moyen d’indicateurs quantitatifs et qualitatifs.
En quelques mots, on entend par double matérialité une dimension à la fois financière et d’impact :
- Comment les activités d’une entreprise impactent son environnement et la société (matérialité d’impact) ?
- Comment l’environnement et la société impactent la performance et le développement d’une entreprise au travers de ces agrégats financiers (matérialité financière) ?
Dans la pratique, l’analyse de cette matérialité se réalise d’une part sur les activités propres de l’entreprise et d’autre part, sur tout le long de sa chaîne de valeur.
On débute par une cartographie des impacts, risques et opportunités et une cartographie les parties prenantes (internes et externes de l’entreprise).Grâce à un système de cotation appliqué sur les impacts risques et opportunités, nous sommes en mesure par la suite de faire ressortir 3 types d’enjeux :
- Les enjeux qui sont doublement matériels
- Les enjeux financièrement matériels
- Les enjeux matériels au niveau de l’impact
Une fois ces enjeux de durabilité déterminés, nous pouvons les faire correspondre avec les exigences réglementaires ainsi que les standards ESRS ( European Sustainability Reporting Standards). La deuxième et dernière étape méthodologique correspond à l’analyse de l’écart de conformité entre ce qui existe en matière d’information extra-financière et ce qui réglementairement attendu. En effet, l’analyse de matérialité pour ceux qui ont déjà produit des rapports dans le passé, peut faire ressortir des enjeux déjà identifiés par l’entreprise comme de nouveaux enjeux. L’objectif de cette étape sera donc d’identifier ces écarts, que ce soit en termes de méthodes ou de définitions, et de définir des plans d’action pour mettre en place les nouveaux indicateurs pour se conformer à la réglementation.
Les entreprises concernées
+500 employés
Remplissant 1 des 2 critères :
Bilan > 25 M€
CA > 50 M€
-
Entrée en application
sur exercice fiscal 2024
Préalablement soumises à la NFRD
+250 employés
Remplissant 1 des 2 critères :
Bilan > 25 M€
CA > 50 M€
-
Entrée en application
sur exercice fiscal 2025
Non soumises à la NFRD au préalable
10 à 250 employés
Remplissant 2 des 3 critères :
Employés > 50
Bilan > 4 M€
CA > 8 M€
-
Entrée en application
sur exercice fiscal 2026
Non soumises à la NFRD au préalable
Non européennes
CA > 150 M€ sur le marché de l’UE sur les 2 dernières années
Au moins une filiale dans l’UE qui génère un CA > 150 M€ et remplit les critères de la grande entreprise
-
Entrée en application
sur exercice fiscal 2026
Non soumises à la NFRD au préalable
Construction du reporting 2023 chez Econocom
Tenant compte de cette directive, Econocom a réalisé l’analyse de double matérialité sur une période de 8 mois, avec l’appui d’un organisme tiers indépendant, qui a permis d’établir une méthodologie adaptée aux enjeux pertinents pour le groupe. Par la suite les écarts de conformité vis-à-vis de la réglementation ont été mesurés. Ce travail a permis la publication d’une déclaration de performance extra-financière à fin 2023 avec, pour la première fois, une intégration des ESRS au sein du rapport.
L'analyse de matérialité a mis en exergue diverses normes touchant les 3 piliers suivants :
Environnement
Publication d’informations relatives au Changement Climatique, à l’Economie Circulaire et à l’utilisation des ressources
Social
Publication d’information relatives aux travailleurs du groupe, aux travailleurs de sa chaine de valeur et à ses consommateurs et utilisateurs finaux
Gouvernance
Publication d’information relatives au code de conduite des affaires du groupe
En pratique, l’analyse a démontré l’obligation de publication de quelques 300 indicateurs qualitatifs et quantitatifs pour Econocom.
Retour d’expérience et difficultés rencontrées
C’est un nouvel exercice à la fois pour les entreprises et les cabinets de conseil ou d'audit, tant dans la méthodologie à adopter que dans le contenu des informations à publier. Il oblige à s'organiser très en amont pour l’exercice de double matérialité et la récolte des indicateurs qualitatifs et quantitatifs :
- L’instabilité des exigences réglementaires a entrainé des ajustements continus tout au long du processus de double matérialité.
- Certaines informations n’étaient pas disponibles auparavant, ou bien posaient des problèmes de timing dans les livrables.
Pour illustrer le propos : le bilan carbone du groupe était réalisé de manière rétrospective (sur l’année précédente) ; la CSRD exige désormais de publier un bilan carbone sur l’année en cours.
En conclusion cela a demandé beaucoup d’efforts et de ressources pour arriver à répondre à ces enjeux. L'entreprise a dû surmonter plusieurs défis, car la CSRD oblige à se réinventer dans les définitions des ESRS matérielles pour le groupe Econocom, l’écoute de toutes les parties prenantes (avec un important focus sur l’interne), des suivis de KPI …
Mais ces exigences poussent le groupe à s’améliorer sur ses pratiques sur le moyen et long terme, et à mesurer leur impact.
Ce rapport est donc un progrès significatif : il devient une véritable référence ESG pour l’ensemble des parties prenantes, tels que les clients, investisseurs ou encore les collaborateurs.
Objectif 2024, dans une démarche d'amélioration continue
Un premier travail de revue a été entrepris par les commissaires aux comptes, à la fois en détail sur l’analyse de double matérialité et de façon plus globale sur la publication des standards ESRS. Le résultat de cette revue, à un an de la première publication obligatoire, a été apprécié de façon positive par les auditeurs.
Renforcement
De la méthodologie autour de la double matérialité en prenant en compte les remarques des commissaires aux comptes.
Développement
de plans d’action (notamment sur les éléments de chaine
de valeur) autour des normes et leur contenu dans une logique de
renforcement continu de la mesure de la performance
extra-financière de l’entreprise.
Implémentation
et développement d’un outil informatique permettant de centraliser la donnée et d’industrialiser les processus de collecte.
Ce développement se fera de manière conjointe entre la RSE
groupe et les différentes parties prenantes impliquées dans la rédaction rapport.
L’ensemble des actions à mettre en place pour être conforme avec la CSRD dans les mois à venir prendra du temps et des ressources.
Par exemple la construction de cet outil de suivi a été un véritable défi en interne, car ce n’est pas ancré dans la culture. En effet, le groupe Econocom porte des valeurs de décentralisation, d’autonomie et d’agilité forte. Cet outil a donc été perçu au début comme une contrainte nouvelle et centralisatrice, mais très rapidement les collaborateurs ont compris qu’il permettrait un meilleur pilotage et une vision claire et commune des actions du groupe.
Les nombreux échanges et le calendrier proposé dans le temps ont permis de rassurer tout le monde, aujourd’hui toutes les équipes du groupe ont le sentiment d’avancer mieux.